Les premiers pas
Dessiner ce que je vois dehors. Les maisons anciennes appelées à disparaître, en garder une trace la plus sensible possible. Celles qui se taisent sous leur manteau de neige sont mes préférées.
Je suis dans les petites rues des villages environnants et je dessine ce qui me parle, je pose les couleurs à l'aide de ma petite boite d'aquarelle et je réserve la lumière. En aquarelle la lumière est le blanc du papier, on n'y touche pas!
Les villageois s'arrêtent, regardent avec beaucoup d'intérêt la peinture en train de se faire, lèvent les yeux et contemplent leurs maisons d'un autre œil. Leur enthousiasme me donne l'envie d'exposer dans leur village, hors des circuits artistiques, je demande alors l'autorisation du maire. Celui de la commune d'à côté est partant, il met sa salle municipale à disposition pour deux weekend.
Alors je me mets ardemment au travail et me déplaçant sur une spirale imaginaire qui encercle le village, offrant les points de vue les plus intéressants où je m'arrête pour peindre avant de poursuivre le chemin à travers toutes les petites rues jusqu'au cœur du village.
Je peins dix heures par jour pendant trois mois.
Le jour du vernissage, quarante tableaux sont exposés, les habitants sont au rendez-vous. Je suis là dans un coin et j'écoute, fascinée d'entendre se dérouler devant chaque tableau l'histoire du village. Le deuxième weekend, viennent les enfants de l'école. C’est l'occasion d'écouter leurs enthousiasmes, leurs étonnements devant des perspectives nouvelles qui leur font écarquiller les yeux. Le dimanche soir, les murs sont vides et je suis invitée à exposer dans les communes environnantes.
Pendant plus de dix ans j'ai parcouru aux quatre saisons tous les sentiers périphériques qui menaient dans le cœur des villages des Combrailles, peignant du matin au soir ,développant mon regard, ma pratique des couleurs et découvrant de nouvelles voies à la technique de l'aquarelle pour répondre aux besoins spécifiques de chaque tableau.
La reconnaissance et la transmission
Les expositions s'enchainent donnant lieu à de nombreuses commandes. Je me retrouve dans les traces des peintres troubadours qui recevaient autrefois le gîte et le couvert en échange de leurs tableaux.
Peindre les maisons de la plus modeste aux châteaux les plus prestigieux est une démarche qui s'apparente à l'art du portrait. Laisser deviner un peu de son jardin secret pour qu'en nous touchant elle semble nous dire quelque chose.
J'ai un atelier maintenant ouvert au public, j'y expose des aquarelles de paysage où la lumière devient magicienne. Les visiteurs sont touchés et me disent qu'ils ont l'impression d'entrer dans le tableau qu'ils contemplent. Beaucoup me demandent de leur apprendre à peindre. J'ouvre alors des livres d'aquarelle et me rassure de voir que les techniques que j'ai découvertes y sont décrites. J'ouvre un cours puis deux, puis trois..., je décompose les chemins par lesquels je suis passée pour mettre en page, composer, dessiner et peindre.
Transmettre est un bonheur, accompagner est une joie, l'émulation dans les cours un magnifique cadeau.
Durant plus de vingt ans tous les publics de tous les âges vont participer à cette belle aventure sous formes de stages ou d'ateliers collectifs.
L'art imaginaire et l'art “naïf”
L'imaginaire est un espace intérieur qu'on peut tous développer à partir du moment où on lui laisse de la place pour s'exprimer.
A l'écoute de la poésie de ma mère qui s'exprimait dans une langue différente que celle enseignée à l'école, mon imaginaire en faisait une traduction qui me permet aujourd'hui encore de peindre des tableaux où la part de rêve vient toucher l'âme de l'enfance.
L'imaginaire est un langage où la poésie peut se déployer librement.
L'aquarelle abstraite
Comme son nom le suggère la pratique de l'aquarelle est un jeu avec l'eau. Elle a la réputation d'être de ce fait une technique difficile à maîtrise. A mon avis, vouloir absolument se tenir dans la maîtrise est une entrave à la liberté de création. L'eau, qu'elle imprègne le papier ou déborde du pinceau aide à se dégager du contrôle que nous croyons devoir exercer. Elle nous amène à découvrir des univers que notre maîtrise aurait empêché d'émerger.
Le surgissement de ces univers ouvre des chemins de liberté que nous pouvons découvrir et accompagner avec jubilation. Cette liberté suggère plutôt qu'elle ne montre ce que nous devrions voir, et offre à celui qui regarde la possibilité de laisser voyager librement sa propre imagination. L'aquarelle abstraite devient alors une ouverture.